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Squash - Thierry Lincou : « La fin est proche pour moi »

Date : vendredi 13 avril 2012

À 36 ans, Thierry Lincou vit toujours de belles heures sur le circuit professionnel. Le champion du monde 2004, désormais n°2 français derrière Grégory Gaultier, est cependant en pleine réflexion sur le sens à donner à sa fin de carrière. Archétype de l’esprit sain dans un corps sain, le Réunionnais évoque cette situation délicate et dresse les enjeux de sa reconversion. Rencontre.

(Le 21 avril, l’association Hobby Squash Players et le BB Squash de Baillargues (Hérault) organisent un tournoi d’exhibition entre James Willstrop (n°1), Grégory Gaultier (n°2), Nick Matthew (n°3) et Thierry Lincou (n°12).

SPORTMAG : Thierry, quel état d’esprit t’anime pour cette saison 2012 ?
Thierry Lincou : La fin est proche pour moi. Je ferai un point en fin d’année. Au niveau de la forme, j’ai l’impression de faire le métier. Mais je ne suis plus impliqué à 100 % sur le circuit. Je fais d’autres choses, des actions de promotion, des stages, des exhibitions… Je prends de l’âge, c’est moins facile, et en plus je ne donne plus toute mon énergie sur le circuit. Ce n’est plus une priorité pour moi. Je vis cette année comme une transition, je pense à la reconversion. Je suis ouvert aux à-côtés. Je réfléchis à l’après.

Cette blessure début 2011 a-t-elle été un facteur important dans ta décision de prendre du recul ?
Oui, cela a marqué un coup d’arrêt car j’étais sur une bonne lancée. J’ai tout de même pu clôturer dix ans dans le Top 10 mondial. C’était l’objectif. Mais je n’ai plus senti de motivation derrière. J’ai perdu le fil, surtout avec le temps de revenir... À 35 ans, c’est vraiment dur. J’aime toujours ce sport, mais ça m’a fait prendre conscience qu’il y avait une vie après le squash. Il est temps, à 36 ans, de dire stop.

La fin de carrière est toujours une étape délicate à négocier. En as-tu peur ?
Oui, je la crains. Ça me travaille depuis un moment d’ailleurs. Je m’accroche comme je peux. C’est un moment qui n’est pas facile dans la vie d’un sportif. On n’a pas envie que ça s’arrête, et, en même temps, on a des signes d’alertes physiques qui ne trompent pas. On est toujours pris dans ce jeu de classement, et on se pose des questions. Je suis en réflexion. Cette année, j’étudie vraiment les possibilités qui s’ouvrent à moi. Je vais plus en profondeur dans les propositions. J’ai un Master en Management du Sport. Je suis aussi passé par un BTS à l’INSEP. J’ai toujours fonctionné avec cette idée de double cursus. Ça pourra me servir à tout moment, sur un CV ça peut faire la différence.

« Si tout était à refaire, je signerais »

Comment envisages-tu ta reconversion ?
Dans le coaching, l’entraînement de squash. J’ai des pistes à l’étranger. Pour le moment, je ne sais pas trop. Je veux rester dans le milieu du squash, c’est certain. J’ai aussi cette idée d’événementiel dans ma tête. Ma position est délicate, car je suis toujours dans le monde du haut niveau. Il va me falloir ce déclic pour véritablement passer à autre chose. Cet instant où tout basculera, où ma carrière sera derrière moi. C’est encore difficile de s’y faire. Mais il y a des choses à faire à l’avenir. Ça me rassure. Avant j’avais des craintes, désormais c’est plus de la réflexion sur la faisabilité de projets. Mais j’ai le choix.

Sens-tu un élan autour de toi, de la part des instances sportives, pour promouvoir ta discipline ?
Les instances ont besoin de moi. Je sais qu’elles veulent que je reste actif. Elles veulent que je contribue, que j’aide à l’essor du squash français, que j’apporte ma pierre à l’édifice dans leurs missions. J’aimerais aussi les aider d’une façon où d’une autre. Mais pour le moment, je ne peux pas être salarié de la Fédé.

Pour beaucoup, tu es effectivement un précurseur, une locomotive. De quoi est fait le « style Lincou » ?
Chacun a sa propre signature, ses forces et ses faiblesses. Si je devais me définir, je dirais que ma force est le déplacement, l’équilibre, et la science du jeu. C’est un jeu assez précis et complet. J’ai toujours eu cette force mentale, cette combativité. Le comportement est sain, sans agressivité. Paradoxalement, je me considère meilleur aujourd’hui que lorsque j’ai gagné mon titre de champion du monde. J’ai l’expérience et la maturité. Par contre, physiquement, j’ai perdu 20 % de mes capacités. Mais franchement, au niveau du jeu pur et des variations, je suis mieux aujourd’hui.

Cette reconnaissance à ton sujet fait plaisir ?
Oui, toujours. Malgré les récentes défaites. C’est toujours dur à encaisser, mais au-delà de ça, il y aura toujours cette trace. À l’étranger aussi, il y a beaucoup de respect pour ce que j’ai pu accomplir. L’image est très positive partout où je vais. Ça me fait très plaisir. Si tout était à refaire, je signerais. Je n’ai aucun regret, et mon physique ne m’a jamais trahi.

« Les Jeux ? Le squash répond aux critères, mais... »

En revanche, pas de participation olympique...
Oui, mais j’ai grandi sans avoir cette compétition à disputer. Ce n’était pas dans la culture squash. En voyant le buzz autour des Jeux, il y a toujours le regret de ne pas avoir participé à cette fête. Mais j’ai été numéro un, le meilleur dans ma discipline à un moment donné, c’est ce qui compte.

Ton rôle n’est-il pas, désormais, de militer pour permettre au squash de devenir discipline olympique ?
Je l’ai déjà fait. Il y a deux-trois ans, j’étais dans le comité de présentation de la candidature. Je suis allé à Lausanne défendre le dossier squash. Ce n’est pas passé, au profit du golf et du rugby à sept. On a encore une chance l’année prochaine pour les Jeux de 2020. On garde espoir. Il y a certains critères à remplir. Surtout, il faut convaincre une centaine de personnes. C’est toute la difficulté. Il y a des jeux d’influence, du lobbying,… Pourtant, le produit est apte, il réunit tous les aspects d’un sport olympique potentiel : spectaculaire, physique, technique, mental, populaire. Dans certains pays, c’est pratiquement le sport national : l’Egypte, la Malaisie, l’Inde, le Pakistan. C’est très accessible à la population. En France et en Europe, ce n’est pas évident. Les jeunes sont très difficiles à séduire. Même en Angleterre, pays du squash. Mais il a sa place aux Jeux, c’est une question de moyens financiers et de structuration.

Que manque-t-il au squash pour franchir un palier ?
Il manque des structures municipales pour vraiment faire éclore ce sport. J’ai peur que l’événement du 21 avril ne reste trop régional. Il n’y a pas assez de résonance nationale. Il faudrait que cela soit plus médiatisé, pour que le grand public se rende compte de la beauté de ce sport. L’organisation des championnats du monde féminin à Nîmes (du 12 au 17 novembre, au Parnasse), va nous offrir de la visibilité. Il faut s’appuyer là-dessus. Pour les hommes, en 2013, la compétition aura également lieu en France. On a besoin de ça.

Propos recueillis par Victor Guilloteau

Les propos de Thierry Lincou sont tirés d'une interview accordée à notre magazine SPORTMAG. Vous pouvez retrouver cet entretien dans les colonnes de SPORTMAG n°43, actuellement en kiosque.

Open d'Halifax: Lincou tient son titre

Déjà vainqueur de l'édition 2010, Thierry Lincou a remporté samedi soir l'Open d'Halifax en dominant en finale l'Anglais Daryl Selby (3-2), le même adversaire qu'il avait battu lors de son premier sacre. A bientôt 36 ans, le Marseillais tient là son 23e titre sur le circuit professionnel, après avoir éliminé les meilleurs joueurs cette semaine. De bon augure pour la suite de cette saison 2012.